ZIRCONIUM ET HAFNIUM

ZIRCONIUM ET HAFNIUM
ZIRCONIUM ET HAFNIUM

Le zirconium (symbole Zr, numéro atomique 40) et le hafnium (symbole Hf, numéro atomique 72) sont deux éléments chimiques métalliques de couleur gris argent appartenant au groupe IVa de la classification périodique.

Découvert en 1789 par Martin Heinrich Klaproth dans un minerai de Ceylan (le jargon), le zirconium (du persan zerk signifiant pierre précieuse), préparé sous forme métallique très impure par Jöns Jacob Berzelius en 1824, ne serait sans doute resté qu’une curiosité de laboratoire, malgré les travaux de A. E. Van Arkel et J. H. de Boer (1925) et de W. J. Kroll (1944) qui l’obtinrent sous forme ductile, si, en 1949, grâce à l’amiral Rickover, père du premier sous-marin nucléaire, le Nautilus , sa grande perméabilité aux neutrons thermiques n’avait trouvé une application spécifique dans le gainage du combustible des réacteurs de puissance.

Cependant, pour profiter au maximum de cette caractéristique, le zirconium doit être au préalable séparé du hafnium, isolé en 1923 par D. Coster et G. C. de Hevesy, qui l’accompagne dans tous les minerais et qui présente, lui, une très forte section de capture pour les neutrons lents, ce qui l’a fait utiliser comme constituant des barres de contrôle du réacteur du Nautilus .

Le développement du zirconium est étroitement lié à celui de l’énergie nucléaire (chaque gigawatt de puissance installée consomme quinze tonnes par an de ce métal); de ce fait, il est soumis aux aléas des politiques énergétiques des divers pays. La production du monde occidental, qui était de 1 000 tonnes en 1970, a été de 3 000 tonnes environ en 1983 et n’a que peu évolué jusqu’en 1995. Les pays producteurs sont les États-Unis et la France, à parts sensiblement égales.

Propriétés des métaux purs

Les tableaux 1 et 2 reproduisent respectivement quelques-unes des propriétés physiques et mécaniques des deux métaux. On notera les changements de structures cristallines, avec comme conséquence une discontinuité des propriétés physiques.

Les enthalpies de formation des oxydes sont très élevées; il s’agit donc de métaux très réactifs, mais la couche d’oxyde qui apparaît en surface est imperméable et résiste à la plupart des réactifs minéraux et organiques, conférant à ces métaux une tenue exceptionnelle à la corrosion.

L’affinité du zirconium pour l’oxygène est si grande qu’il déplace ce dernier des composés réfractaires utilisés dans les fours (magnésie, thorine, etc.).

La parenté du zirconium et du hafnium, qui peuvent se substituer isomorphiquement dans tous leurs composés, est plus grande que celle de tout autre couple d’éléments, y compris le couple tantale-niobium. Cette analogie est due autant à la quasi-identité de leurs rayons ionique et atomique qu’à leurs structures électroniques.

Métallurgie extractive

La croûte terrestre contient environ 0,03 p. 100 de zirconium. Le minerai principal est un silicate, le zircon. Constituant normal des granites, il se concentre avec le rutile et l’ilménite dans les sables issus de la décomposition de ces roches. Les gisements importants se trouvent en Floride, en Inde, au Brésil, à Ceylan et surtout en Australie. Le minerai d’Australie, qui est le plus utilisé, peut être enrichi jusqu’à 98 p. 100 par des méthodes physiques. La teneur en hafnium est à peu près constante et de l’ordre de 2 p. 100 par rapport au total des deux métaux.

L’attaque du minerai consiste en une chloration en lit fluidisé en présence de carbone à 1 200 0C. Un condensateur sélectif permet de recueillir, d’une part, le chlorure mixte de zirconium et de hafnium, d’autre part, le chlorure de silicium.

La séparation zirconium hafnium s’effectue selon deux procédés:

– Un procédé par extraction liquide-liquide, utilisé aux États-Unis, dans lequel le chlorure mixte, mis en solution, est traité par la méthylisobutylcétone: le hafnium passe dans la phase organique, le zirconium restant dans la phase aqueuse. Les chlorures ainsi séparés sont traités par l’ammoniaque pour précipiter les oxydes purs qui sont ensuite calcinés. Une nouvelle chloration conduit aux chlorures purs anhydres.

– Un procédé par distillation extractive en présence d’un solvant recyclable (mélange NaCl, AlCl3 fondu), mis au point et utilisé en France, dans lequel les chlorures purs sont obtenus directement anhydres et utilisables pour la réduction.

Pour la réduction des chlorures, c’est la réaction de Kroll qui est généralement utilisée:

Elle s’effectue à la pression atmosphérique en faisant réagir les chlorures gazeux sur le magnésium liquide à 800 0C. Le produit obtenu est une masse métallique spongieuse (d’où le nom d’éponge qu’on lui donne) plus ou moins imprégnée de magnésium et de chlorure de magnésium que l’on élimine par distillation sous vide poussé à 1 000 0C. Le résidu de distillation est alors découpé et broyé en morceaux de la dimension d’une noisette et stocké en fûts sous atmosphère d’argon.

L’éponge de zirconium peut être directement utilisée pour la fusion et la fabrication des alliages. Par contre, l’éponge de hafnium contient encore un peu trop d’oxygène qui doit être éliminé soit par le procédé Van Arkel (cf. MÉTALLURGIE - Métallurgie extractive, chap. 4), soit par fusion au four à faisceaux d’électrons (cf. MÉTALLURGIE Les fours métallurgiques, chap. 1).

Le tableau 3 donne les analyses types de l’éponge de zirconium et du hafnium Van Arkel.

Métallurgie de transformation

En dehors des métaux purs, les seuls alliages développés actuellement sont les alliages de zirconium pour application nucléaire dans l’eau jusque vers 400 0C. Le plus courant est le Zircaloy 4, alliage zirconium-étain à 1,4 p. 100 d’étain avec addition de fer (0,21) et de chrome (0,10). Analogue, le Zircaloy 2 contient un peu moins de fer (0,14) et du nickel (0,05). On peut citer en outre un alliage zirconium-niobium à 2,5 p. 100 de niobium. Tous ces alliages contiennent 0,05 à 0,15 p. 100 d’oxygène.

Aux teneurs utilisées, tous les éléments d’alliages sont entièrement solubles dans la phase 廓 du zirconium au-dessus de 800 0C environ. Aux températures inférieures, au contraire, les solubilités dans la phase 見 sont très limitées, et les alliages sont biphasés et constitués par une matrice de zirconium 見 pratiquement pur et par des précipités de composés intermétalliques. C’est précisément l’obtention d’une structure fine et régulièrement répartie de ces précipités, grâce à des traitements thermomécaniques appropriés, qui constitue l’essentiel de l’art du métallurgiste, car toutes les propriétés des alliages en dépendent plus ou moins.

La très grande réactivité des métaux en question à l’état fondu ne permet pas l’emploi des moyens de fusion classiques. On utilise pratiquement exclusivement les fours à arc à électrode consommable sous vide. La première électrode est constituée par assemblage par soudure à l’abri de l’air de pièces comprimées de dimensions restreintes élaborées au moyen de presses hydrauliques à partir des matières premières: éponge et éléments d’alliages. Deux fusions successives sont indispensables pour obtenir des lingots homogènes.

Les procédés et le matériel mis en œuvre pour la déformation plastique (forgeage au pilon ou à la presse, extrusion, laminage à chaud et à froid, étirage, etc.) sont les mêmes que ceux qui sont utilisés pour les aciers. Mais, du fait de la grande oxydabilité du zirconium, il est nécessaire de limiter le plus possible des durées de chauffage au cours du travail à chaud et de prévoir à l’issue de cette opération une décontamination très soignée des produits (grenaillage et décapage). Au cours du travail à froid, les traitements de recuit doivent être effectués en atmosphère de gaz neutre purifié, ou mieux sous vide poussé, si l’on veut obtenir un état de surface final sans défaut.

L’usinage ne présente pas de difficultés particulières, sauf le risque d’inflammation des copeaux en cas de passes fines. Cela est sans danger si l’on évite l’accumulation de copeaux sur les machines.

La très grande élasticité de ces métaux pose quelques problèmes pour les travaux de chaudronnerie. Le repoussage à chaud donne d’excellents résultats; par contre, l’emboutissage profond nécessite des précautions particulières.

La soudure autogène est possible à condition d’éviter toute oxydation (arc sous argon ou bombardement électronique).

La jonction avec les métaux classiques (fer, cuivre, aluminium) n’est pas réalisable par soudure (formation de composés intermétalliques fragiles); par contre, la brasure peut être envisagée.

Utilisation

Le gainage du combustible des réacteurs à eau constitue l’utilisation la plus importante du zirconium: il s’agit le plus souvent de tubes minces (épaisseur 0,7 mm, diamètre 10-15 mm, longueur 4 m), mais de nombreuses pièces de structure du cœur sont également en alliage de zirconium. Quant au hafnium, son débouché dans ce domaine reste limité pour l’instant aux barres de contrôle des réacteurs de sous-marins.

Les deux métaux résistent à l’air et à l’eau jusque vers 500 0C (formation d’un oxyde noir protecteur), mais c’est surtout leur tenue remarquable à la plupart des réactifs minéraux ou organiques (seul l’acide fluorhydrique les attaque violemment) qui en fait des matériaux d’avenir pour l’industrie chimique où ils doivent trouver leur place, après les aciers inoxydables, entre le titane et le tantale. Les applications encore peu nombreuses concernent surtout les milieux chlorhydrique, sulfurique, nitrique et acétique où leur tenue est comparable à celle du tantale.

À titre de comparaison, la tôle de zirconium de 1 mm vaut environ douze fois le prix de l’acier inoxydable 316, trois fois le prix du titane, mais dix fois moins que le tantale.

Comme application liée à la grande oxydabilité de certains alliages Zr-Al et Zr-Ti: les getters employés en électronique ou pour la purification ultime des gaz.

Le zirconium et le hafnium interviennent comme élément d’addition dans de nombreux alliages d’aluminium, de magnésium, de cuivre, de molybdène, de nickel et même d’aciers (inhibition du grossissement du grain ou durcissement par solution solide ou phase dispersée).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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